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L’éclat des vases impériaux sous les Qing : une apogée de la porcelaine chinoise

  • Photo du rédacteur: Cabinet Gauchet Art Asiatique
    Cabinet Gauchet Art Asiatique
  • 13 juin
  • 3 min de lecture


Il n’est pas de porcelaine plus sophistiquée, ni plus spirituellement investie, que celle produite sous la dynastie Qing. En tant qu’historien de l’art asiatique, je suis toujours saisi par la grâce et la rigueur de ces objets. Derrière chaque vase impérial des Qing se lit non seulement le raffinement esthétique d’un empire à son apogée, mais aussi une vision du monde façonnée par le pouvoir, la religion et une profonde culture lettrée.


Vase Époque Qianlong, Chine, XVIIIe siècle, © Musée de la Cité Interdite
Vase Époque Qianlong, Chine, XVIIIe siècle, © Musée de la Cité Interdite

La dynastie Qing, instaurée par les Mandchous en 1644, a su intégrer les codes artistiques hérités des Ming tout en développant une grammaire stylistique propre. Dès les débuts du règne de l’empereur Kangxi (1662-1722), les fours impériaux de Jingdezhen sont remis en activité sous contrôle strict. L’atelier devient un laboratoire artistique où dialoguent technicité, inventivité et symbolisme. Kangxi fait produire des pièces d’une qualité exceptionnelle, aux émaux raffinés, souvent destinées aux palais de la Cité interdite ou offertes en présents diplomatiques.



Mais c’est surtout sous les règnes de ses successeurs, Yongzheng (1723-1735) et Qianlong (1736-1795), que la porcelaine impériale atteint son apogée. Yongzheng, empereur exigeant et esthète, soutient une production d’une grande finesse. Loin des effets spectaculaires, il favorise l’élégance des formes, la subtilité des motifs floraux ou calligraphiques, et des harmonies chromatiques souvent inspirées des peintures de lettrés. C’est une époque où les vases ne sont plus de simples objets décoratifs : ils incarnent une vision lettrée et métaphysique du monde, un écho aux vertus confucéennes de mesure, de justesse, de silence.


Vase avec poème écrit par l'Empereur Qianlong, Chine, XVIIIe siècle © MET Collection
Vase avec poème écrit par l'Empereur Qianlong, Chine, XVIIIe siècle © MET Collection

Qianlong, quant à lui, a donné à la porcelaine une ampleur inédite. Passionné de poésie, de peinture et d’antiquité chinoise, il ordonne des commandes gigantesques aux ateliers impériaux. L’esthétique se fait plus monumentale, parfois baroque, mais toujours imprégnée d’un profond respect pour la tradition. L’empereur n’hésite pas à mêler références archaïques et techniques nouvelles. C’est aussi sous son règne que les influences occidentales, notamment dans le rendu perspectif et l’usage de certains émaux, s’intègrent dans le langage visuel chinois sans jamais en trahir l’esprit.

Ce qui me touche particulièrement dans ces objets, c’est leur capacité à exprimer une forme de diplomatie visuelle. Chaque vase est un fragment d’empire, condensé d’ordre cosmique et d’idéologie impériale. Les décors floraux, animaliers ou mythologiques ne sont jamais décoratifs au sens occidental du terme. Ils sont langage. Le lotus, la chauve-souris, les poissons ou les dragons parlent de paix, de félicité, de fertilité ou de pouvoir céleste. Ces objets, souvent produits en paire ou en série, rythmaient les espaces palatiaux, accompagnaient les rites, incarnaient l’harmonie confucéenne entre ciel, homme et nature.


L’étude des marques de règne peintes ou incisées sous les bases des vases nous livre des clefs précieuses pour en comprendre la datation et la destination. Mais ces marques sont parfois apocryphes, reprises postérieurement pour flatter le goût des élites, ou redonner une légitimité à des pièces très inspirées. Le marché de l’art a longtemps été fasciné — à raison — par la beauté de ces œuvres, mais une lecture purement marchande en oublie parfois la profondeur politique et religieuse. Ce sont des objets qui incarnent le corps même de l’empire, sa mise en scène, sa perpétuation.


Vase with landscape decoration, Époque Qianlong, Chine, XVIII siècle, © MET Collection
Vase with landscape decoration, Époque Qianlong, Chine, XVIII siècle, © MET Collection

Nous considérons qu’il est essentiel de restituer à chaque vase impérial le contexte et la valeur de sa création.




Références bibliographiques :

  • Jean-Paul Desroches, La Cité interdite : Vie publique et privée des empereurs de Chine, RMN, 1994.

  • Marie-Noëlle Gensburger, La Chine des Qing : Le dernier empire, Presses Universitaires de France, 2015.

  • Michel Beurdeley, Porcelaine de Chine, Office du Livre, 1974.

  • Pierre Cambon (dir.), Trésors de la Chine impériale : Collections du musée Guimet, Paris Musées, 2007.

  • Christophe Comentale, Céramiques chinoises : collections du musée Cernuschi, Paris Musées, 2006.


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