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Le maki-e Namiki, le savoir-faire ancestral japonais de la laque

  • Photo du rédacteur: Cabinet Gauchet Art Asiatique
    Cabinet Gauchet Art Asiatique
  • 24 juin
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 juin



La Namiki Manufacturing Company, fondée en 1924 au Japon par Ryosuke Namiki, incarne l’un des plus beaux exemples de fusion entre la tradition artisanale japonaise et les exigences du design moderne. À une époque où le Japon affirmait son identité artistique sur la scène internationale, Namiki a su positionner la laque japonaise — et plus particulièrement le maki-e, cette technique de décoration par poudres d’or et d’argent — au sommet de l’artisanat de luxe mondial.


NAMIKI Obano/Steppe, stylo plume de la collection Empereur, adjugé 4 000 € le 16 décembre 2019
NAMIKI Obano/Steppe, stylo plume de la collection Empereur, adjugé 4 000 € le 16 décembre 2019

Dès 1930, en partenariat avec la prestigieuse maison londonienne Alfred Dunhill Ltd., la firme se distingue en adaptant les savoir-faire ancestraux japonais à des objets modernes et portables : stylos-plumes, briquets et étuis à cigarettes notamment. Tous signés d’une main d’orfèvre et commercialisés sous le nom Dunhill-Namiki Company,

ces objets deviennent emblématiques de l’Art déco japonais tourné vers l’Occident.



En 1931, Ryosuke Namiki crée le groupe artisanal Kokkokai, littéralement « Société de la lumière nationale ». Cette confrérie d’artisans d’élite — où figuraient des maîtres laqueurs comme Shogo, Hoshun, ou encore le très rare Ippa — devient le cœur battant de la création artistique chez Namiki. Chaque objet sortant de leurs mains est signé, témoignant à la fois d’une maîtrise technique absolue et d’une volonté de valoriser l’individualité de l’artisan.

Selon Andreas Lambrou, spécialiste des instruments d’écriture de luxe, « le niveau d’excellence atteint par les artisans de Kokkokai dans les années 1930 reste inégalé » (Fountain Pens of the World, 1995). Ces artistes ne se contentaient pas de reproduire des motifs traditionnels ; ils les réinventaient, les modernisaient, les adaptaient à de nouveaux supports tout en maintenant une rigueur esthétique inspirée du Rinpa, du naturalisme Edo et des influences de l’ukiyo-e.



Quand la bijouterie rencontre la laque

C’est dans ce contexte exceptionnel que s’inscrit un objet récemment redécouvert par Gauchet Art Asiatique : un bracelet en laque signé du maître Ippa, à ce jour pièce unique connue sur le marché international.

NAMIKI, Bracelet en or jaune et platine, 1930-1940. Estimation : 3 000 € - 4 000 €. En vente le 30 juin 2025 chez MILLON
NAMIKI, Bracelet en or jaune et platine, 1930-1940. Estimation : 3 000 € - 4 000 €. En vente le 30 juin 2025 chez MILLON

À notre connaissance, aucun bijou issu des ateliers Namiki n’a été répertorié à ce jour. Ce bracelet constitue donc une découverte de première importance. D’une rare élégance, il présente un décor en hira maki-e (maki-e plat) d’une extrême finesse, où le geste du maître trouve un équilibre parfait entre surface, mouvement et symbolisme. La signature « Ippa » — déjà rencontrée sur des œuvres prestigieuses — vient confirmer l’attribution.

Ce bracelet n’est pas un simple ornement : c’est un objet d’art à part entière, qui rapproche la bijouterie de l’objet d’écriture et des arts décoratifs japonais exportés vers l’Europe dans les années 1930.


NAMIKI, Bracelet en or jaune et platine, 1930-1940. Estimation : 3 000 € - 4 000 €. En vente le 30 juin 2025 chez MILLON
NAMIKI, Bracelet en or jaune et platine, 1930-1940. Estimation : 3 000 € - 4 000 €. En vente le 30 juin 2025 chez MILLON

Si aucun autre bijou de ce type n’est répertorié, des comparaisons stylistiques peuvent être établies avec d’autres objets signés Ippa :

  • Étui à cigarettes, vente Bonhams, Londres, mai 2012, lot 123 : décor naturaliste stylisé, technique hira maki-e d’une grande précision.

  • Coffret en laque, vente Antiquorum, Monaco, juillet 2017, lot 727 : composition équilibrée, finesse de la laque et élégance des motifs.

Ces objets confirment la cohérence esthétique de la main d’Ippa et soulignent le caractère exceptionnel du bracelet présenté par Millon le 30 juin 2025. Il pourrait s’agir d’une commande spéciale, probablement destinée à un collectionneur européen averti, au moment où la laque japonaise s’imposait comme un art international, dans un dialogue esthétique avec l’Europe de l’Art déco.


La période de production de ce bracelet correspond à un moment où les frontières esthétiques s’estompent : l’Europe découvre avec fascination l’art japonais, tandis que des artisans japonais comme ceux de Namiki adaptent leur savoir-faire aux goûts occidentaux. Ce brassage esthétiques se retrouve dans l’équilibre formel du bracelet, dans le choix de ses proportions, et dans sa capacité à allier tradition et modernité.

Comme le souligne Joe Earle dans Splendors of Imperial Japan: Arts of the Meiji Period (Museum of Fine Arts, Boston, 2002), « les meilleurs artistes japonais de l’entre-deux-guerres ont su conjuguer une fidélité à leur tradition avec une compréhension très fine des attentes occidentales. »

Ce bracelet, par sa singularité, en est l’illustration parfaite : un objet hybride, à la fois bijou et œuvre d’art, à la croisée des mondes.





Bibliographie

  • Lambrou, Andreas. Fountain Pens of the World. Antique Collectors’ Club, 1995.

  • Earle, Joe. Splendors of Imperial Japan: Arts of the Meiji Period. Museum of Fine Arts, Boston, 2002.

  • Wingfield, Louis. The Art of Japanese Maki-e. Kyoto Shoin, 1985.

  • Bonhams & Antiquorum, catalogues de ventes publiques (2012, 2017).

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