Pan Yuliang : entre deux mondes, au-delà des frontières
- Cabinet Gauchet Art Asiatique
- 15 mai
- 3 min de lecture
Parmi les grandes figures de l’art moderne chinois, Pan Yuliang (1895–1977) occupe une place à part. Formée en Chine et en Europe, artiste en q
uête constante de liberté, elle a su élaborer un langage pictural profondément personnel, entre tradition orientale et modernité occidentale. Sa trajectoire, marquée par les ruptures, les déplacements et les choix audacieux, fait d’elle l’une des premières femmes peintres chinoises à s’imposer sur la scène internationale.

Née en 1895 dans la province du Jiangsu, Pan Yuliang (de son nom de naissance Chen Xiuqing) perd ses parents très jeune. Livrée à elle-même, elle est vendue à un bordel, puis rachetée par Pan Zanhua, fonctionnaire et intellectuel progressiste, qui deviendra son mari et son soutien. Elle adopte son nom, commence à étudier, puis entre à l’École des Beaux-Arts de Shanghai en 1920. Très tôt, elle s’intéresse à la peinture occidentale et développe un goût marqué pour l’expérimentation et le dessin d’après modèle.
En 1921, elle obtient une bourse pour étudier en France. Elle fréquente d’abord l’Institut franco-chinois de Lyon, puis l’École des Beaux-Arts de Paris. En 1925, elle est admise à l’Académie des Beaux-Arts de Rome, où elle perfectionne sa technique et remporte plusieurs prix. À son retour en Chine en 1929, elle devient enseignante à l’École des Beaux-Arts de Shanghai et à l’Université nationale de Nankin, contribuant activement à l’introduction de la peinture occidentale dans le paysage artistique chinois.
Mais son art dérange : ses nus féminins choquent une partie de la société conservatrice. En 1937, face à l’invasion japonaise et à une hostilité grandissante, elle décide de retourner à Paris, où elle passera les 40 dernières années de sa vie.
L’œuvre de Pan Yuliang se caractérise par une hybridation originale entre les techniques occidentales (huile sur toile, perspective, couleurs vives) et les sensibilités orientales (épure du trait, intériorité, composition poétique). Sa peinture se nourrit de la figure humaine — en particulier féminine — qu’elle représente avec une grande liberté formelle et une intensité émotionnelle notable. Elle est également reconnue pour ses autoportraits, à la fois affirmés et introspectifs, et ses nombreuses scènes de la vie quotidienne ou de la nature.
Influencée par les fauves, Matisse ou encore le symbolisme, Pan Yuliang développe une palette lumineuse, fluide, et une touche très personnelle. Elle utilise également l’encre et l’aquarelle, dans une volonté de synthèse entre ses racines chinoises et son parcours européen. Ce positionnement en fait une figure à la fois marginale et pionnière : trop occidentale pour la Chine des années 1930, trop étrangère pour le Paris artistique d’après-guerre, elle évolue en marge, mais continue de créer avec constance et exigence.

Pendant sa vie, Pan Yuliang expose régulièrement en France et à l’international — en Allemagne, au Royaume-Uni, au Japon, en Italie, aux États-Unis. Elle est élue présidente de l’Association des artistes chinois en France, et bien que vivant modestement, elle reste active jusqu’à la fin de sa vie. Elle meurt à Paris en 1977, dans l’oubli relatif.
Depuis les années 1980, son œuvre connaît une redécouverte progressive. De nombreuses expositions lui sont consacrées en Chine, et une partie importante de ses œuvres a été rapatriée au Musée national des beaux-arts de Chine à Pékin ainsi qu’au Musée provincial de l’Anhui. Aujourd’hui, elle est reconnue comme une figure incontournable de l’art moderne chinois, au croisement du féminin, de l’exil et de la création libre.
N’hésitez pas à nous contacter pour toute demande d’expertise ou d’analyse d’œuvre liée à Pan Yuliang ou à d’autres artistes modernistes asiatiques actifs en France.
→ À venir
Le 13 juin 2025, une œuvre exceptionnelle de Pan Yuliang sera dispersée lors de la vente Art d'Asie en collaboration avec Cannes Enchères. Restez connectés !

Bibliographie
Andrews, Julia F., & Shen, Kuiyi. The Art of Modern China. University of California Press, 2012.
Vance, Brigid E. “Pan Yuliang’s Painted Self.” Cross-Currents: East Asian History and Culture Review, vol. 26, 2018.
McNair, Amy (dir.). Modern Chinese Artists: A Biographical Dictionary. University of Hawaii Press, 2007.
Catalogue d’exposition Pan Yuliang: A Journey to Silence, Musée Cernuschi & National Museum of China, 2001.
Comments