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Itō Shinsui, héritier de la tradition et rénovateur poétique du Shin-hanga

  • Photo du rédacteur: Cabinet Gauchet Art Asiatique
    Cabinet Gauchet Art Asiatique
  • 17 juil.
  • 3 min de lecture



Né à Tokyo en 1898, Itō Shinsui est l’un des artistes les plus influents du Shin-hanga (新版画, « nouvelles estampes »), ce mouvement qui visait à revitaliser la gravure sur bois japonaise en intégrant des éléments de modernité tout en conservant les techniques artisanales traditionnelles.

Formé à la peinture Nihonga (peinture japonaise moderne) dans l’atelier du grand Kaburagi Kiyokata, Itō montre dès ses débuts une maîtrise exceptionnelle du dessin et une sensibilité esthétique remarquable. Son style attire rapidement l’attention du célèbre éditeur Watanabe Shōzaburō, pionnier du Shin-hanga, qui voit en lui un talent prometteur.


Itō Shinsui, Devant le miroir, 1916, estampe, 44,2 x 29,3 cm 
Itō Shinsui, Devant le miroir, 1916, estampe, 44,2 x 29,3 cm 

En 1916, à seulement 18 ans, Itō Shinsui publie sa première estampe avec Watanabe : Devant le miroir. Cette œuvre, représentant une jeune femme de dos en train de se coiffer, marque le début d’une collaboration prolifique qui durera plusieurs décennies. L’estampe s’inscrit dans la tradition du bijin-ga tout en apportant une modernité subtile dans le traitement de la lumière, la composition et la texture.



Dès 1922, les portraits de femmes (bijin-ga) deviennent le cœur de sa production. Contrairement à des artistes comme Kobayakawa Kiyoshi, qui adoptent des figures modernes comme les moga (femmes occidentalisées, transgressives), Itō Shinsui reste fidèle à une image idéalisée et classique de la femme japonaise : vêtue de kimono, coiffée avec soin, représentée dans un intérieur traditionnel ou dans des poses contemplatives.

Son style se caractérise par :

  • Une grande clarté de composition, influencée par le Nihonga.

  • Un raffinement technique, notamment dans le rendu des textures textiles et des cheveux.

  • Une atmosphère intimiste, presque méditative, parfois empreinte de mélancolie.

Il ne s’agit pas simplement d’illustrer la beauté, mais de révéler une élégance intérieure et une sérénité proprement japonaise, qui fait écho aux valeurs esthétiques du wabi-sabi.




En parallèle de ses bijin-ga, Itō Shinsui développe un travail important sur les paysages, dès 1917, avec la série Huit vues de la région d’Ōmi (autour du lac Biwa). Ces œuvres s’écartent des meisho-e classiques (images de lieux célèbres) pour privilégier une approche personnelle et sensible du paysage, souvent fondée sur des croquis réalisés sur le motif.

Après les bombardements de Tokyo en 1944, il se réfugie à Komoro, en pleine campagne, ce qui marque un tournant stylistique. Ses œuvres deviennent :

  • Plus colorées, avec des palettes plus audacieuses.

  • Plus lumineuses, avec une utilisation des dégradés et des effets atmosphériques.

  • Sans présence humaine, renforçant l’intimité entre l’artiste et la nature.

La série Dix vues de Shinano (信濃十景) incarne cette évolution vers une sensibilité nouvelle, proche de l’impressionnisme japonais.


Itō Shinsui, Début de printemps à Karuizawa de la série Dix vues de Shinano, 1948, estampe, 27,7 x 39 cm (https://www.cernuschi.paris.fr) 
Itō Shinsui, Début de printemps à Karuizawa de la série Dix vues de Shinano, 1948, estampe, 27,7 x 39 cm (https://www.cernuschi.paris.fr

Le succès d’Itō Shinsui est durable. Ses œuvres sont largement diffusées au Japon et à l’étranger grâce à Watanabe Shōzaburō, qui promeut les estampes Shin-hanga à destination du marché occidental. Cette reconnaissance est couronnée en 1952, lorsque l’État japonais lui décerne le titre de Trésor National Vivant (人間国宝, Ningen Kokuhō) — une des plus hautes distinctions accordées à un artiste au Japon.

Ce titre officialise la place d’Itō Shinsui comme gardien de l’art de l’estampe traditionnelle, tout en reconnaissant sa capacité à renouveler ses codes dans un langage visuel contemporain.


Itō Shinsui a su incarner une forme d’équilibre rare : celui d’un artiste profondément enraciné dans la tradition, mais ouvert à l’exploration stylistique, tant dans ses portraits que dans ses paysages. Figure incontournable du Shin-hanga, il reste aujourd’hui une référence majeure dans l’histoire de l’estampe japonaise du XXe siècle, tant pour sa rigueur technique que pour la poésie visuelle de son œuvre.



Le cabinet Gauchet Art Asiatique met à votre disposition son expertise reconnue pour l’authentification, l’évaluation et la mise en valeur des œuvres d’Itō Shinsui et des artistes du mouvement Shin-hanga. N’hésitez pas à nous contacter pour tout accompagnement personnalisé.


Références bibliographiques

  • Brown, Kendall H. Visions of Japan: Shin-hanga Prints from the Honolulu Museum of Art. Honolulu Museum of Art, 2009.

  • Merritt, Helen, and Yamada, Nanako. Guide to Modern Japanese Woodblock Prints: 1900–1975. University of Hawaii Press, 1995.

  • Marks, Andreas. Japanese Woodblock Prints: Artists, Publishers and Masterworks 1680–1900. Tuttle Publishing, 2012.

  • Meech, Julia. Shin-hanga: The New Print Movement of Japan. New York: Weatherhill, 1984.

  • Lane, Richard. Images from the Floating World: The Japanese Print. Oxford University Press, 1978.





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